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A ma fenêtre qui s’ouvre sur le rond-point de la rue Victor Hugo et du Boulevard Saint-Charles, je ne remarque pas immédiatement les deux personnages bizarrement accoutrés en cette période de restriction de liberté qui n’a rien d’un carnaval !

Il faut que le tintamarre des casseroles tambourinées par de joyeux drilles peut-être conscients des difficultés rencontrées par les hospitaliers cesse, après cinq minutes de délire pour que leurs propos m’atteignent…

  • Je l’ai toujours annoncé, l’église a toujours annoncé l’apocalypse ! Le temps est venu de payer les péchés des hommes, il fallait bien que ça arrive un jour…
  • Mais, voyons, Mr Charles Borromée, dit Saint-Charles parce qu’un pape vous a octroyé la sainteté, vous me feriez rire, si je n’étais pas très, très en colère !
  • Et pourquoi êtes-vous tellement en colère, Mr Hugo, Victor ? Que pouvez-vous comprendre à la pensée papale ?

Je me penche en entendant ces propose étranges ; c’est qu’ils n’ont pas l’air de rire !

Leurs costumes et leurs traits, au moins en ce qui concerne Hugo, sont tout à fait ressemblants… Mais, que font-ils là, au XXIème siècle, eux qui ont vécu au XVIème et XIXème ? Pourquoi sont-ils là, devant moi, ignorés des autres qui ont refermé leurs fenêtres, pour repartir dans leur confinement ?

  • Pourquoi je suis en colère, sacrebleu ! Parce que Dieu n’est pour rien dans ce qui arrive aujourd’hui ! Comment osez-vous infliger aux malades, mourants, confinés, du monde entier, quelle que soit leur religion, une telle absurdité ?!
  • Absurde, mais pas du tout ! Lorsque j’entends taper sur des casseroles en dépit de toute harmonie musicale, je sais que Dieu a abandonné ses enfants, c’est évident.
  • Mais enfin, avec votre habit rouge, vous n’attirez même pas les yeux ! Avec vos pensées, vous faites fuir même les plus convaincues de vos ouailles…Ce n’est pas le moment de raconter des bêtises, de faire des bêtises… C’est le moment de retrousser les manches pour mettre tout le monde d’accord, envers et contre tout !
  • Qu’est-ce que vous dites ? Il n’y a pas d’accord à attendre entre ces gens qui ignorent tout des harmonies.
  • Bon ! Je crois que nous nous sommes rencontrés au mauvais moment, au mauvais endroit. C’est bien dommage !  Nous aurions pu unir, une fois n’est pas coutume, nos prières pour intercéder auprès de Dieu, afin qu’il libère ces individus cloîtrés contre leur gré dans leurs prisons, pas toujours dorées…
  • Mais enfin, Mr Hugo, un cloître n’est pas une prison. Vous divaguez !
  • Comme l’église a voulu prendre le pouvoir trop souvent, pour imposer des lois que les peuples, heureusement, ont réussi à dépasser… Mais vous êtes beaucoup trop vieux, Mr Saint-Charles, vous n’avez pas suivi toutes les évolutions morales et mentales au court des siècles, trop occupé sans doute à faire des courbettes au Paradis, d’où bien sûr, vous arrivez…
  • Bien sûr… Vos habits noirs me font penser à Satan, c’est étrange, non ! Mr Hugo, vous devriez prendre votre bâton de marcheur, et partir loin d’ici, de toute manière, personne ne nous voit.
  • Comment, ça, personne ? Et moi, alors !

Ils sont partis, l’évêque-cardinal forgé de conceptions, de croyances que ne partage pas l’écrivain-poète engagé ; je referme ma fenêtre…Le monde est ainsi peuplé de tant de personnalités ! Comment toutes les réconcilier dans un monde libéré des violences et haines ?

Martine Pichoir le 2/4/2020

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