ELLE MARCHE
c’est dimanche
à la première lueur
elle se mit debout prête à franchir sa porte
où voudrait-elle aller sans plan
quand elle sort de sa maison il ne pleut plus
quelques gouttes charment encore la haie
elle marche le regard sur le trottoir
elle vit le présent comme si le passé n’existait pas
à côté d’elle une petite fille tient ses pas
regarde elle aussi le sol et évite tout regard en arrière
comme si revenir sur son passé c’est renoncer à son destin
elle se trompe peut-être mais ne lâche rien
la marche est un exil vers l’avenir
il faut marcher quand un passé est lourd à supporter
marcher sans attendre le lever du soleil
partir avant l’exorde du pardon
lorsqu’on ne peut plus s’amuser avec le silence
face au drame feutré par des œuvres de charité
elle ne comprend rien à ce qui se passe là-bas
des villages entièrement hachés
l’extrême pauvreté et la disparition des enfants du Kasaï
au cœur malade de la République « démocratique » du Congo
quand la mort devient la seule compagnie de la route
elle ne regarde pas ce qui l’entoure elle marche
comme si la marche tenait lieu de son dernier sort
l’autre visage de l’humanité cachée derrière la chair du verbe
Fidèle Mabanza
Poète formé à la philosophie, à la théologie et aux sciences de l’éducation
Ce poème a été publié dans la revue « Rose des temps »n° 43 (2022) de l’association Parole & Poésie sur la thématique « Ô Femme, Origine du monde »