Bleu/Vert
Dans une vitrine semi-circulaire d’antiquaire régnait un brouhaha indiscipliné. A tout-va on s’interpelle, on devise, on pérore, on controverse, on débat.
Bien alignés sur les étagères, les verres ferraillaient.
Sur un haut rayonnage, un verre s’ébroua sur son pied, lissa son calice et chaussa ses verres. Il fit vibrer son cristal, déroula un mince feuillet et prit la parole :
« Je déclare la séance ouverte… Nos travaux sont maintenant terminés. Pour cette convention enfin retenue de transparence de production, il convient à présent de déterminer la couleur de notification, un enjeu important pour une lisibilité aisée. J’ai entendu de nombreuses propositions autour d’un bleu céruléen, azur, et même céleste à l’image de notre planète vue du ciel. Néanmoins, j’en appelle cependant à votre discernement pour considérer qu’un ton de vert la couleur du végétal serait très approprié, nous rappelant combien la nature est précieuse et doit être sauvegardée «
Le discours laissa l’auditoire coi dans un état de stupeur embarrassée. Dans ce silence, une voix flûtée s’éleva, un type de voix bien timbrée qu’on écoute avec attention sans même s’en rendre compte.
« De grâce, Monsieur le Baccarat, ne pourrions-nous pas envisager ce choix avec une modalité plus consensuelle? Dans le lointain pays d’où je viens, tout au Nord, il n’y a qu’un seul mot pour désigner… et le coloris vert et le coloris bleu de l’environnement naturel. Notre emblème universel pourrait parfaitement se décliner dans un bleu/vert entrelacé ». Le meuble vitré retrouva ses esprits et approuva d’une façon démonstrative.
Les coupes furent remplies et entrechoquées dans un convivial brouhaha festif.
Eliane Celette
