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Printemps des Poètes 2024

Poème 20 – Les grands troupeaux de vie – Joëlle Soyer

                                      Les grands troupeaux de vie

 

 

 

Le paysage du saule

admet l’habit noir l’habit blanc

l’espace n’est ni clos ni ouvert, n’écoute pas les mêmes lois

 

Le saule laisse flotter au vent les jeunes et longues flèches de ses ramilles

folles fines guirlandes elles jouent dans la lumière

toute sa silhouette danse, folle fine,

son corps enseigne au vent une chorégraphie

fulgurante immobile dans les clignotements

comme si l’image avait des paupières

un esprit traversé de rêves

 

C’est ici, aujourd’hui, que je me tiens – si peu, autant –

sur l’île où j’ai convergé

près du saule

entourée de mer

aux flancs renaissants du volcan

j’entends le son des sources, les chemins, mes non-pas, la puissance des arbres,

tout s’éloigne et se loge à l’intérieur de moi

et les mots

les mots ruissellent enfin des ravins de mes doigts

de mes chambres-canyons,

formant rivières de brume au contact du vent

c’est la falaise qui fume, l’océan qui palpite, dans les cordes lâchées, les voiles arrachées,

les corps échoués révolus, à l’abîme des injustes,

c’est pourquoi je n’écrirai ni même avec mon corps

libre enfin, peut-être, pourvue d’ailes invisibles,

je pourrai survoler les grands troupeaux de vie

être une forêt qui n’écrit pas

un fleuve qui se tait

parce qu’à jamais je n’entends plus les mêmes voix.

 

Joëlle Soyer – 10 février 2024

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