UN CONTE
La petite fille soupirait sur sa feuille : il fallait écrire un joli mot.
Elle cherchait, tournait et mangeait son stylo.
Certains avaient trouvé, c’est sûr, ils sautaient sur leur chaise,
Chuchotaient, souriants et complices.
Mais, elle, ne trouvait rien ; elle prêta l’oreille.
Elle entendit le son « Gue… » ou un truc comme ça,
« Garce ? c’est méchant, pas possible.
Guerre, alors ? non, c’est encore terrible.
Graisse ? …bof, c’est moche, ça glisse, comme l’indifférence.
Gueux ? lourd et repoussant.
Gare, peut-être… non, ce n’est pas très joli et parfois menaçant. »
Désespérée, elle regarda le plafond, puis dehors…
Un rai de lumière traversait la vitre,
Des millions de grains de poussière flottaient, immobiles.
Un oiseau, attentif, tournoyait dans le ciel,
Mais sans bouger les ailes : comment est-ce possible ?
Les feuilles repoussaient en ce jour de printemps,
Le monde l’appelait, elle se trouvait légère.
Son cœur battait plus fort, un souffle l’emportait,
Le temps n’existait plus ; soudain, elle était libre, totalement.
Alors, elle écrivit :
« Grâce »
Alain BRISSET
