« Desaparicidos » :
Ni morts, ni vivants !
Je reviens de ce voyage,
Au pays d’un peuple massacré,
Le cœur déchiré par tant de douleurs,
Mais remplie du lien avec Anastacia.
Une femme du Guatemala, belle et digne,
Malgré toutes ses humiliations :
Avec cette « sale guerre » d’il y a trente ans,
Un viol, un meurtre supposé et trois disparitions.
Sa mère menacée par l’arme d’un soldat
Alors qu’Anastacia n’avait que ses yeux d’enfant.
Une sœur perdue dans la fuite dans la forêt.
Et deux petites sœurs kidnappées par l’armée.
Anastacia, tu ne trouveras la paix
Que quand ces corps seront retrouvés.
Qu’ils soient vivants ou morts,
Besoin de retrouver au moins les corps.
La disparition : une torture subtile.
L’absence qui ne signifie pas la mort.
L’incertitude qui empêche le deuil.
Le doute qui interdit d’oublier.
La torture du temps et du silence.
Avec l’entourage qui veut tourner la page.
Sans preuve aucune, ni de vie, ni de mort.
L’espérance s’éteint lentement.
Comment honorer ses défunts
Quand il n’y a pas de corps ?
Que peut devenir ce lien fraternel,
Si les disparus ont refait leur vie ?
Nulle paix à son cœur :
Ne pas oublier,
Rester relié à ce lien du sang,
Et ne pas pouvoir encore parler.
Chercher, mais où ?
Parler, mais à qui ?
Les tortionnaires d’hier toujours là,
Tapis sous une vie plus propre sur soi.
Comment vivre chaque jour
Cette torture du temps ?
Ce poids du silence collectif,
De cette Histoire de la honte et du crime organisé.
Et si par miracle,
Ces disparus sont encore vivants,
Comment recréer le lien
Après 35 ans de séparation ?
Si ces sœurs ont été adoptées,
Peut-être un grand rideau sur leur passé ?
Oublié qu’elles sont guatémaltèques…
Pas déclarées car kidnappées…
La double peine.
La déchirure de l’absence,
Et la couture difficile à refaire
Avec un passé trop douloureux .
Les Amériques sont peuplées
De ces millions de disparitions.
Une catégorie de guerre,
Encore peu reconnue.
Oui il y a eu un génocide, mais il y a aussi cette douleur tapie,
Avec tous ces disparus, ni morts, ni vivants.
Pas de frontière entre vie et mort.
Un abîme de silence qui tue à petits feux.
Anne – 12 février 2023