Traverser
Une bouche ouverte à la surface du monde, un poisson, l’antre d’un coquillage, aspire une infime quantité d’air
qu’elle vive
une pluie de pétales dans le vent, les fusées arrimées des grands épicéas, les chemins d’hiver de mammifères sauvages
sauvagerie
ce qui nous questionne sur ce que nous sommes, les milieux, nos milieux, cuirassés d’écrans, dallés de bitume
ou de lits de mousse ?
discordant
nos aliments, nos vêtements, nos égarements, notre vie, si puissante, si infinie, si passionnante…
La bouche des pluies et des vents constelle les chemins d’un voile de pétales. Les grands animaux restent sous les arbres
instant absolu.
La mousse dans nos mains – comment passer le gué – j’observe et je maintiens, passer sur l’autre rive, inspirer cette goulée, poser le pied dans l’eau glacée, contempler notre trajectoire juste avant de bouger, passer le gué, traverser
traverser
dans la conscience douce de la lumière, éphémère, dans la tendre émotion de n’espérer rien, les yeux emplis des paysages, l’odeur des paysages,
le cœur ouvert, maintenant,
maintenant.
Joëlle Soyer
Janvier 2022