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2021Archives

Poème 21 – Ceux qui passent trop vite – Marie Hélène Beysson

Par 8 mars 2021juin 9th, 20233 Commentaires
Ceux qui passent trop vite

 

Ceux qui passent très vite au creux de la vallée,
ceux qui passent trop vite, pourraient bien se tromper.
Voyant les maisons grises, les rues éparpillées
les modestes églises, les ateliers vidés
Et puis la cheminée, altière et pathétique,
Reine d’un peuple mort de poutres métalliques
Les ponts Rouge et Noir, ravachols des quartiers
Et la colline en deuil de son grand escalier.
On peut rire à l’écho de la gare qui se moque
D’un accent pas joli, comme d’une autre époque
Celle des joueurs de boule, mangeurs de sarasson
Du temps des jours de foule et des révolutions.
Ceux à qui il suffit d’ouvrir en s’éveillant
Des yeux habitués sur les plus belles choses
L’océan et ses vagues, les glaciers rutilants
les jardins débordant de lys ou bien de roses
les villes élégantes sur des fleuves amants
Ne trouveraient ici ni grâce, ni bonheur
Mais ils se tromperaient en pensant que personne
Ne peut ici la voir, ni ne sait la chercher
elle est bien là pourtant, la beauté qui étonne
qui vole de la place à cette humilité.
Il nous a tous fallu apprendre à la connaître
Savoir la regarder et la réinventer
lui donner d’autres lieux, et d’autres noms peut-être
tant est fort le besoin, l’envie de la trouver.
L’éclat d’une verrière,
les sheds illuminés,
un escalier en fer,
la rivière retrouvée,
les ruelles qui veulent
embrasser le château
qui donne son fantôme
et qui nous prend de haut,

vieux pavés oubliés
tout brillants de mémoires
les jardins ouvriers
lilas et arrosoirs,
jonquilles qui fanfaronnent
au printemps des marchés
eau fraiche qui bouillonne
entre les biefs du Gier
les grands soleils d’été
en coulée continue
et les vagues des blés
juste au bout de la rue .
Aux rives du barrage
danse un bal vénitien
quand l’automne au passage
en rouge et or les peint.
Revanche de la neige
hypnotisant le noir,
brouillard qui désagrège
l’ange sur son perchoir
le givre qui perruque
le vieux mont Paraqueux
et le kiosque à musique
rêvant des airs joyeux.
Saisons de la vallée
comme un amour secret
qui ne veut regarder
que ce que le cœur sait.
« Ca n’est pas beau chez vous »
Nous diront bien des gens
Peut être. Mais c’est chez nous
Et nous savons comment
Trouver la vallée belle
En la regardant bien
En l’aimant telle quelle
Puisque c’est notre coin.

 

Marie Hélène Beysson

3 Commentaires

  • Pierre soyer dit :

    Profond et puissant tableau de notre palpable environnement ou le désir de voir entre les lignes disparues remplace les absences que le temps a gravé dans l’image de notre vie. Laissant le désir d’aimer intact comme la photo jaunie n’enlève rien de l’être disparu. Merci de rappeler aujourd’hui, en nos temps d’apparence collective, que le temps de vivre se trouve autour de nous dans la simple sueur de la vie des simples.

  • robert ruffo dit :

    Que de belles sensations à la lecture de ce poème, ou à chaque coin de mot on retrouve les couleurs de nos vallées. Et merci d’avoir mis en scène mon vieux Mont Paraqueux.

    • Beysson Marie Hélène dit :

      Merci.Oui Paraqueux est pour moi un lieu précieux de mon enfance, j’y ai joué et il reste cette rondeur tutélaire qui s’incline sur notre vallée

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