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Atelier d'écriture - ProductionsLibre parole

Sentiment tragique de similitude – 15

SENTIMENT TRAGIQUE de SIMILITUDE

Mon oncle est décédé l’année dernière. Quelques heures avant sa mort, de la guerre et de son traumatisme il parlait encore. Mon oncle est né dans un village, le long de la Meuse, au pied des quatre fils Aymon, à quelques encablures de la Belgique d’où son père avait migré. Ce village a été rayé de la carte par une administration soucieuse de regrouper les communes, sans se soucier de l’impact de leur décision sur les habitants implantés depuis plusieurs générations en ces endroits. D’une famille d’ouvrier : son père était ferronnier, son grand père tourneur en fer, son frère maréchal ferrand et lui-même deviendrait rapidement cloutier.

En 1939 la guerre a déjà débutée en Europe. En 1940, elle est aux portes de la France. Les militaires ne sont pas inquiets, le gouvernement non plus. Nous sommes prêts, nous avons tout prévu, sauf que nous n’avons pas de stratégie, un armement déficient ou obsolète et des gradés dépassés. La France va être coupée en 3 par l’occupant (et non pas en 2 comme on le dit habituellement). Une zone Sud, une zone Nord et une zone neutre. Cette zone neutre de plusieurs kilomètres le long de la frontière Belge et de plusieurs kilomètres de large, doit être vierge d’activités et de tout habitant. Le 10 Mai 1940, l’ordre d’évacuation de la commune est donné. Mon oncle, ses parents, sa grand-mère, ses frères et sœur quittent le village, à pied, avec une brouette contenant tous leurs biens, pour être « confinés » dans une autre région, dans l’Ouest de la France.

Ne l’oublions pas « nous sommes en guerre « et les nombreuses entreprises métallurgiques implantées dans les Ardennes sont arrêtées faute de travailleurs. L’occupant s’en soucie vite et rapatrie en catastrophe cette main d’œuvre qu’il avait chassé quelques mois plus tôt afin de redémarrer la production pour ses besoins militaires. Participer à l’effort de guerre et produire pour celui qui vous combat. Sans véritable salaire, mal nourri, mal vêtu, mal protégé, mon oncle du haut de ses 16 ans, pour fournit en matériel militaire les Allemands et enrichit l’entreprise.

La guerre finie, c’est un autre effort de guerre qu’il faut fournir : Celui du redressement économique de la France. Il faut travailler plus encore, relancer la machine, les salaires ne se sont guère améliorés, les conditions de travail non plus. La priorité est au redressement du pays, tout le monde doit s’y mettre. L’amélioration des conditions de travail viendra ensuite. C’est un ordre du Général et une demande à l’union des forces actives du pays. Il nous faut rattraper notre retard, créer des biens et de la croissance.

Le redressement perdure, les ouvriers fatiguent, demandent un aménagement de leur travail et des salaires dignes. Il est trop tard, les entreprises métallurgiques de la vallée commencent à fermer ou délocalisent, les ouvriers ne sont plus nécessaires, ils n’obtiennent que des licenciements, les capitaux et bénéfices s’évaporent vers les premiers paradis fiscaux. La France est redressée, mais le peuple a été sacrifié sur l’autel du profit de quelques patrons opportunistes. La France est redevenue riche, mais les pauvres sont toujours pauvres. Leur participation au redressement de la France, à la croissance ne leur a été d’aucun profit, d’aucune reconnaissance.

En 2020 les généraux ne gouvernent plus, ils ont été remplacés par des présidents. La guerre n’est pas à notre porte, mais un virus vient perturber notre existence. Et le même scénario, se profile. Saurons-nous y résister. ? Aurons-nous la lucidité de vouloir changer profondément notre système.? J’en rêve…..

Gilles 20/04/2020

2 Commentaires

  • Meyer dit :

    Quel beau texte, une belle prose intense et précise. Félicitations. Il est signé Gilles, mais a-t-il un nom de famille ?

    • Danielle Melgar dit :

      Si le nom de l’auteur n’apparaît pas, c’est qu’il a souhaité le taire. Donc difficile de le retrouver surtout 2 ans plus tard. Je suis vraiment désolée. Cordialement. Danielle Melgar

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