Le cerisier était haut, vert déployé de longues branches de fleurs. Il était haut chargé de
petites cerise aigres. Il était haut, roux dans le soleil passé. Il était haut, décharné et son
squelette portait pesamment la neige tombée.
C’était hier. C’était aujourd’hui. C’était demain.
C’était avant. C’était après.
C’était la nuit. C’était le jour.
Hier, aujourd’hui, demain, hier, avant, tout à l’heure…
Aujourd’hui, maintenant, demain, plus tard…
Il fallait, il faut, il faudra, il faudrait, il aurait fallu, si j’avais su…
C’était avant, c’était après, avant-hier, aujourd’hui, après demain, la semaine dernière, le mois prochain…
Si j’avais su, si j’avais su…
Tu verras bien…
C’était avant, c’était après et maintenant plus que jamais, plus d’ici, plus d’ailleurs, plus de maintenant et d’ailleurs plus de temps…
Plus de maintenant…
L’épaisseur se densifie. Les temps se compressent. Il n’y a plus d’hier. Il s’est fondu dans les pleurs et les chagrins.
Partir. Partir loin. Partir vite. Partir trop loin. Partir trop vite…
Revenir. Revenir de loin. Revenir d’avant. Revenir d’être parti, d’être parti trop loin, d’être parti trop vite.
C’était avant. C’était après. Et maintenant ?
Et maintenant regarder le ciel…
Ouvrir les bras grand…
Glisser les pieds nus dans le joyeux fracassant de la rivière.
Monter au sommet des brumes et rire des souffles violents qui battent les mâts et les grands battants.
Caler le front sur le tronc du cerisier et l’aimer d’une prière.
Regarder les fourmis précises se précipiter dans tous les sens.
Voler des cerises à la gourmandise des oiseaux et des insectes au coeur des chants de vent…
Glisser le regard dans la foison dorée de cerisier d’été passé pour épier les passages de nuages et le grand soleil levé…
Se tenir devant sa merveille de givre écarquillé de lumière et d’hiver…
Prendre la mesure du temps…
C’était avant. C’était après.
C’était hier. C’était aujourd’hui. C’était demain.
C’était au printemps.
C’était au bord d’un étang.