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Vue sur le Mail

L’immeuble où j’habite se situe à la périphérie du quartier de Firminy vert, dans la ville du même nom. C’est un quartier populaire, et même si sa réputation a un temps défrayé la chronique, je trouve l’endroit plutôt calme. Les immeubles sont espacés les uns des autres et l’environnement est suffisamment végétalisé pour que l’on s’y sente à l’aise. Il faut dire que le plan d’urbanisme a reçu le label du grand architecte, Le Corbusier, mais c’est une autre histoire.

De ma fenêtre, je peux voir un immense immeuble ! Un mastodonte que l’on appelle ici le grand H ou le Mail. Attention bien prononcer, maille, à la française comme une fameuse marque de moutarde et non mèl, à l’anglaise comme les petits messages que l’on s’envoie sur la toile.

Lorsque j’ai acheté l’appartement, je me suis laissé séduire par sa luminosité, la vue dégagée, la grande terrasse, l’agencement intérieur, le calme de la résidence, la proximité du centre-ville…

Quand j’ai pris possession des lieux, je ne me suis pas tout de suite rendu compte ; je crois que c’est par une nuit d’insomnie que j’ai réalisé. Je me suis mis à compter, non pas les moutons pour me rendormir, mais, dans un premier temps, le nombre de fenêtres restées allumées dans la nuit noire sur la façade de l’immeuble ; puis, par jeu, le nombre d’ouvertures par étage, ensuite le nombre d’étages et là j’en suis resté sur le c… ! 25 ouvertures par étage, 19 étages ; si l’on fait une simple multiplication, on trouve facilement le nombre de fenêtres : 425 !

Cela m’a paru démentiel ! Inquiétant ! 425 paires d’yeux pouvaient potentiellement se braquer sur ma petite personne installée tranquillement dans un transat sur la terrasse pour faire la sieste ! Effarant !

Au fil du temps, mon angoisse s’est apaisée, puis a disparu. Qu’ont à faire d’un quidam comme moi, tous ces gens qui ne passent pas leur temps à zieuter le voisinage de leur fenêtre. En quoi pourrais-je les intéresser ? L’immeuble et ses habitants m’ont apprivoisé.

Il n’y a que dans la profondeur de la nuit, lors de mes insomnies, que parfois j’y prête un peu d’attention. Combien de fenêtres sont allumées ; les inventaires, c’est mon obsession ! J’imagine dans leur agencement quelques figures célestes comme les constellations dans le firmament.

Une fois, j’ai remarqué qu’une fenêtre restait continuellement allumée. Elle était facilement repérable, c’était la douzième en partant de la gauche au dernier étage, sous la grande antenne qui se détache dans le ciel ! Au bout de quelques jours, je m’en suis inquiété. Et si la personne était empêchée, malade ou morte ! Demain matin, si c’est encore allumé, je me décide, au risque de passer pour un inquisiteur, j’appelle la police ou l’office HLM qui gère l’immeuble. Prémonition, transmission de pensée, le matin venu la fenêtre était éteinte ! Un personne absente, en vacances, qui avait oublié d’éteindre ? J’en suis resté là ! Nous vivons tous dans l’anonymat de nos villes ; que savons-nous de tous ces gens qui derrière leur fenêtre nous observent ?

Et le plus étonnant ! La façade de mon appartement orientée sud-est reçoit le soleil du matin jusque vers 16h en fonction de la période de l’année. La façade du grand H est, elle, orientée plein ouest et, croyez-le ou non, grâce à ces 425 fenêtres qui renvoient la lumière, j’ai le plaisir de recevoir la douce lumière du couchant inondant mon appartement. Alors vive le Mail !

Alain

Un commentaire

  • daniellemelgar dit :

    Je n’avais pas vu l’association texte / photo. Cette vue en contre-plongée apporte beaucoup à la description des émotions. Bravo pour l’objet total !

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