Loin, après les volcans
C’est loin, bien trop loin. Loin de la vie régulière, de la fatigue du soir, de la langueur du week-end, de la quête de l’été, du bruit des casseroles, des ressorts du matelas, du creux du canapé, du cri du réveil, de l’arrêt de bus, de l’épicier pas payé, loin de toi aussi, assis face à moi, le nez dans ton assiette, les yeux sur la télé.
C’est loin, bien trop loin. Loin des hôpitaux, loin des Ehpad, loin de toutes les prisons dans lesquelles on s’enferme, loin des squats et des friches, loin du banc au pied de l’immeuble, loin des disputes, loin de la haine, loin des guerres, loin des églises, loin des jugements, loin des chenils qui hurlent la solitude.
C’est loin, bien trop loin. Loin du poêle sans bois, du robinet sans eau, des engelures sous les gants, des cartons pour abri, loin des agences intérimaires, loin des remèdes prescrits, loin des foulards, des yeux sans vision, des portes fermées, des retours forcés, des comptes vidés, des baisers violés.
C’est loin, bien trop loin. Loin des rêves de la nuit, loin du ticket à gratter, loin de la date du loyer, loin des périphériques, des banlieues effrayées, des métros à l’arrêt, loin des crues, loin des feux, loin des fleuves secs, loin des voitures-dortoirs, des virages manqués.
C’est proche, proche de ceux qui sont partis, proche de cet infini dont parlent les scientifiques, insaisissable, c’est proche de l’envie, proche du désir, proche d’aller voir ailleurs si j’y suis, proche des étoiles peut-être.
C’est proche d’une caresse, du vent dans les voiles, proche de l’idéal, d’une montagne et des neiges éternelles, proche de l’immensité et de l’imperceptible, proche des yeux plissés, des enjambées, des sentiers.
C’est proche de la liberté, des échos, des ricochets dans l’eau, des surprises qu’on n’a pas vu arriver, proche d’un détour, d’une ligne qu’on croit droite, d’une frappe de faute, des ailes déployées, c’est proche du vertige, du plein d’émotions.
C’est proche, proche des mots susurrés, d’une phrase inachevée, proche du silence, proche des mains levées, proche de l’ignorance et de ses doutes, proche du savoir et de ses hésitations, proche du beau et sûrement proche du laid.
Racchaela Kamps